Mon père tape le code et pousse la porte dont l’acier noir vernis couvre une épaisse plaque de verre opaque. Une porte presque trop lourde pour moi, impossible à manier pour un vieillard sans force. Nous pénétrons silencieusement dans l’entrée. De part et d’autre, des miroirs renvoient à l’infini nos deux silhouettes. A côté de la seconde porte en bois clair, légèrement ouvragée, des boutons étiquetés dessinent l’interphone. Perdu parmi d’autres est inscrit mon nom, Bloch. Derrière, molletonné en son centre d’un tapis aux motifs sombres, un escalier aux larges marches écrues s’enroule le long d’une rambarde sombre. Nous prenons en face un vieil ascenseur, une cabine frêle enfichée dans une cage métallique grillagée : un ascenseur typique d’immeuble ancien qui m’évoque toujours la descente aux enfers finale d’Harry Angel dans le film Angel Heart, la descente dans une cage identique, plongeant dans l’obscurité silencieuse qu’une machinerie antique et ses grincements inquiétants viennent percer. Ma grand-mère est-elle en Enfer ou au Paradis ? Elle est morte il y a un an au cinquième étage. Cinquième bouton qu’enfonce mon père tandis que la cabine s’ébranle. Brutalement, le 29 mars, vers 20h30, à 90 ans. Posée, j’imagine, dans son fauteuil de cuir trop large à l’assise rehaussée d’un coussin, devant des variétés stupides sur sa télévision trop forte. Sa télévision est toujours trop forte. Lorsque je lui rends visite, je m’empare de la télécommande et baisse le volume sans rien demander, ou l’éteins carrément. "Si tu permets !" je m’exclame alors d’un ton faussement bourru avant de rebalancer la télécommande, en jeune caïd venu édicter les nouvelles lois du quartier. Son rire éructe brièvement de sa gorge enrouée. "Grany est morte", 20h30 passées, mon père en voiture, en route vers sa dernière demeure, m’appelle pour me l'annoncer d’une voix nouée. La nouvelle provoque un étrange picotement, qui, de la racine de la nuque se propage sous mon crâne et à l’inverse, le long de mes membres. Mon engourdissement est global. Le Temps ralentit sa course à mes sens. Je marche dans mon appartement avec la sensation éthérée de traverser des fines membranes d’air ouatées. Toute émotion me quitte. Aujourd'hui, Maman est morte. Je ne ressens plus rien et ne sais quel masque adopter. Mes pensées vont à ma grand-mère, à ses enfants, dont mon père, à mon enfant de père perdant sa mère, à la perte de la mère, à ma mère, à la mort de ma mère, à ma mort, à la mort, à moi. Moi, moi, moi. Ainsi scandent et tressautent les essieux du train de ma douleur. Je me remémore une autre femme dont le destin a traversé le mien, toujours en vie, quelque part et pas si loin. Je prends conscience de toute ma peau effarée qu’à cette heure, à cette heure précise, elle pense, elle respire, elle est une machine humaine qui occupe physiquement un volume, présence dont je suis absent. Elle vit. Et je me souviens que cette vie aberrante car sans moi, autrefois, m’a plus durement heurté que le décès de ma grand-mère aujourd’hui. La mort excuse plus facilement l’absente. Aujourd’hui, l’évocation de ce souvenir jadis chéri ne provoque plus cette torture exquise dans la poitrine. Je n’ai aucune nostalgie. Et maintenant, si c’est chose possible, elle grandira dans mon oubli. Totalement impassible, je m’inquiète : ne devrais-je éprouver un sentiment quelconque en un moment pareil ? Suis-je particulièrement égocentrique ? Je me rassérène en me disant que ce vide, immobile et stagnant en moi, est une manifestation, certes non conventionnelle, de mon deuil naissant. Je suis tel un comédien stressé qui, quelques minutes avant d’entrer en scène, voit son angoisse se dénouer, son énergie retomber en flaque à ses pieds pour donner une performance médiocre : cet étrange et inexplicable flottement sapant toute concentration m’avait plus d’une fois frappé avant une représentation, si bien que je m’étais résigné à n’être qu’un homme de répétitions. Le théâtre est dès lors un exercice de précision : celui du samouraï préférant aiguiser le fil de sa lame et s’entraîner à gestes lents devant des montagnes évanescentes plutôt que guerroyer rageusement dans le fracas de la mêlée. Il faut se concentrer sur l’instant pour ne pas regarder l’avenir si angoissant.
"Je m’entends bien avec Joël." Ma grand-mère est acariâtre et peu affective, peu démonstrative, ce qui teinte toute une descendance d’une difficulté à communiquer autrement que par saccades brusques, celles d’enfants en bas âge cognant des objets fragiles. Parfois les cassant. Cette nature est accentuée dans ces dernières années par une santé invalidante, raison pour laquelle je suis peut-être le plus à même de comprendre ce regain d’agressivité quasi-constante : la colère d’un fauve pris au piège du corps. Cette même irascibilité grondante, jamais distante et toujours affleurante, sera probablement à jamais tatouée dans mes chairs. Ni mon enfant de père ni son enfant de frère ne pleurent à l’enterrement. Comme si des larmes publiques étaient l’aveu d’une faiblesse. Au contraire, les mâchoires se serrent, racines d’un chêne fouissant sous terre pour mieux lutter face au vent ; car la disparition attendue mais brutale d’une mère impossible est plus douloureuse qu’annoncée : la morte emporte dans la tombe le poids écrasant des questions non formulées, des reproches et des réponses. La vision de ces deux hommes ne pleurant pas blesse mon cœur plus violemment que notre présence en cet endroit : le deuil de la mère peu aimante entérine celui de son affection trop rarement prodiguée. La soif de caresses des enfants crocodiles ne sera plus jamais étanchée. Plus jamais. Aucune magie, aussi puissante soit-elle, ne peut guérir les blessures infligées par nos parents. Comment pourrais-je retenir toute l’eau de mon corps à l’enterrement de ma propre mère ?
Je ne pleure pas non plus, toujours déshumanisé. J’affecte une mine grave car un enterrement est un moment et dans un lieu où il faut affecter une mine grave. Je dévisage tel un étranger détaché les mines graves, me demandant si d’autres imposteurs se sont glissés dans la foule. Je ne souffre pas avec eux. Plus exactement, je ne souffre pas en même temps qu’eux : depuis un an, son souvenir tenace revient me hanter à la faveur de la nuit, immobile dans son fauteuil trop large, vieillarde voûtée, sénescente et rétrécie. Tous ses os avaient déjà pris leur place de mort. Sa présence palpable attire mes sens comme un regard me fixant attire mon regard en retour. Elle ne dit rien de spécial, ne fait rien de spécial. Elle ne m’accuse en rien. Elle demeure silencieuse et irréelle devant sa télévision trop forte. Vivante en moi. Je ne l’oublie pas. Et c’est un an après sa mise en terre, alors même que j’écris ces lignes, que des larmes montent et brûlent.
Il n’y a pas d’Enfer, il n’y a pas de Paradis. Ma grand-mère n’est nulle part : elle n’est plus. Son visage a disparu de la pellicule ondoyante, surface des vivants, drainé vers les profondeurs par des mains jeunes et naissantes, avides d’oxygène, escaladant à leur tour le temps, les corps sans vie coulant à pic dans l’oubli et le néant. "Néant", "Infini", des cosses vides de sens que nos esprits manipulent sans les toucher, colis scellé avec lequel nous jonglons sans l’ouvrir. Comment donner une sémantique véritable sans basculer dans la folie ? Le soir, dans mon lit, alors que mon esprit faiblit et que la réalité se dissout dans l’autre cohérence du rêve, ma conscience infinie mais fermée, sphérique, se déploie comme une fleur bourgeonnante en une surface plane, totale, pareillement infinie mais sans limite. Mes sens étendus par cette nouvelle géométrie palpent l’insignifiance de nos trois dimensions. Choc de sang dans la poitrine, ma conscience est brutalement ramenée à la veille, pétrifiée par cette vérité : j’ai trente ans, je suis en vie, donc je vais mourir. Avec la lucidité d’un fou, il entrevit la nature périssable de sa chair. "S’il y a une seule vérité dans ce monde, c’est que tu vas mourir. Nous allons tous mourir." Est-ce la phrase à dire ? L’intonation de mon père est rassurante, contrairement à ses propos. J’ai 8 ans. L’âge des traumatismes fondateurs. Suis-je aujourd’hui encore sous le joug de cette sentence ? Comment déterminer quel geste ou mot maladroit condamnera à jamais à la peur mes propres enfants lorsqu’ils seront vivants ? Comment assumer sans une angoisse constante le rôle de parent ? Comment sauver ses enfants du manque d’être si ce n’est en ne les concevant pas ?
La sphère de ma conscience acquiert la puissance du continu, libérant un torrent tumultueux de mort qui clapote dans mes veines. Je perçois la trame du Temps. Mon corps tremble et je transpire, je pleure et je vomis, je ruisselle sous la concentration totale de la parcelle résiduelle de conscience faiblissante résistant contre mon corps et ses muscles, contre mon esprit et sa décision implacable de labourer mes poignets et mes entrailles. Soif inextinguible d’une lame de rasoir qui s’imprime dans ma rétine. Il faut impérativement achever ce simulacre. Ne plus participer à cette mascarade qu’est, non pas ma vie, mais la Vie. Je me vide. Je ne cligne plus des yeux, écarquillés. Je traverse la rue sans regarder. Je marche, mort parmi les morts, poussière de chair agglutinée. Je reste muet devant les cadavres qui gesticulent stupidement et arborent leur squelette en me souriant. Pathétiques ignorants. Tout cela est absurde. Rien ne sert à rien. Le Lexomil à fortes doses lime les barbelés qui fleurissent en moi et percent ma peau. Mes yeux se referment progressivement, le plan redevient sphère et le présent réacquiert sa tangibilité. A la rentrée des classes, mes camarades ne soupçonnent rien. Ils me trouvent un peu maussade. Les examens de fin de trimestre se déroulent excellemment bien. Je suis premier. J’ai vingt et un an. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie.
- On ne va pas y passer l’après-midi. Tu regardes ce que tu veux prendre rapidement et on y va.
Nous arrivons au cinquième étage. Nous pénétrons dans l’appartement vidé de sa substance : les effluves de la vieillesse se sont évanouis, la plupart des meubles ont disparu, les tableaux ont laissé place à des taches blêmes aux contours flottants. Je me déplace lentement, presque religieusement, les yeux buvant chaque détail. Je marche sur la moquette avec l’impression de fouler des souvenirs, conscient que j’arpente ce lieu que j’ai toujours connu, pour la dernière fois : l’appartement familial occupé pendant des générations est vendu. Je découvre des pièces que je n’avais jamais visitées : la chambre exiguë de mon père et de sa sœur, leur salle de bain surannée attenante. Un voile sépia à même ma rétine recouvre tout. Le lourd silence absorbé par les murs, favorisé par un quartier désert, accentue le sentiment de déambuler dans une enfance lointaine, celle de mon père. Dans la salle à manger, les poissons morts aux couleurs mornes lorgnent les visiteurs. Personne ne veut de ce tableau, pas plus que les petits bibelots rassemblés sur la grande table : de petites effigies, des pierres et statuettes achetées lors d’innombrables voyages. Je ne vois là aucun souvenir de ma grand-mère, de mes grands-parents, mais des pierreries de souk. Des objets sans âme. Mon père m’interroge du regard et je fais la moue. Rien ne me plaît. Nous sortons. Je ne reverrai jamais cette salle à manger. Dans le bureau, nous fouillons le premier tiroir de la commode rempli d’un fatras désordonné : de vieux porte-cartes en cuir usé, des papiers divers, des lettres, des photos, d’anciennes petites jumelles de théâtre dans une petite boîte de cuir bleu s’ouvrant sur la pression d’un bouton. J’appuie. Les deux pans s’écartent, les lentilles, mues par un ressort, coulissent sur des rails. Je regarde à travers le lorgnon. Je referme le clapet, appuie, le mécanisme se re-déclenche. Cela me plaît. Ma grand-mère aime aller au théâtre, j’aime aller au théâtre. Voilà mon souvenir. Mon père s’assoit sur le lit, déplie les lettres jaunies à la perfection cinématographique car tracées d’une écriture calligraphiée, uniformément penchées et serrées. Les films empruntent à la réalité et non l’inverse après tout. La tête haute et les yeux bas, il s’absorbe dans la lecture de cette correspondance civile de guerre. Il y a là le matériel brut d’un roman épistolaire tragique sur l’éclatement d’une famille, la déportation, les camps, la mort. Il faudrait inventorier, classer, ordonner, retranscrire. Les lettres sont par la suite emportées en vrac et j’ai l’intime conviction que rien de tout cela ne sera fait. Le papier s’effritera comme les cadavres.
Nous tirons de petits portraits de mes grands-parents en noir et blanc, à un âge que je ne leur ai pas connu. Sur une autre photographie, un petit garçon âgé de moins de dix ans pose en petit seigneur, droit et souriant fièrement, enveloppé dans un grand manteau long de monsieur, devant mon lycée. Mes yeux s’écarquillent lorsque je le reconnais, posant devant son lycée. Ainsi mon père a véritablement été enfant. Mon coeur se serre. Il faut parfois des images pour qu’une vérité incontestable s’affirme comme réalité à notre logique. Des photos de classe grand format sont jetées pêle-mêle, je joue sur chacune d’entre elles à identifier mon père qui, de son écriture d’enfant, inscrit les noms de ses camarades suivant leur place, "Bibi" pour la sienne. Cette écriture maladroite accrédite plus sûrement encore le fait qu'il ait été un petit garçon. Il évoque ses camarades dont il se souvient parfaitement. Je le regarde hypnotisé par son reflet passé. Pour la première fois, je le perçois non pas comme la figure paternelle, autorité immuablement plus âgée, mais comme un adulte parallèle, issu de l’enfant qu’il a été. "On ne se voit pas vieillir. Je n’ai pas l’impression d’avoir changé."
"Joël Bloch ? Tu es Joël Bloch ?!" L’individu se tenant devant moi est stupéfait, ravi mais atterré. Il se présente et son nom éveille un écho lointain. A cet échalas au visage émacié, à la voix rocailleuse, au cou triangulaire et musculeux, aux bras longilignes et aqueux se superpose l’image, à l’école primaire, d’un enfant fluet à la voix flûtée. Bastien. Des images fugaces fusent mais tout est flou, ma mémoire dérape sur les mots et les situations. Lui m’apostrophe, et, à ma grande stupéfaction, cite des phrases que j’ai prononcées voilà plus de vingt ans. "Tu avais une sacrée personnalité." Je suis flatté mais inquiet : produire une si forte impression à un si jeune âge est rarement bon signe, d’autant que mes souvenirs enfouis, peut-être refoulés, me qualifient de garçon insolent et cruel au mépris des fragilités. J’affiche une mine stupide et réservée pour dissimuler mon malaise grandissant devant son insistance à excaver nos conversations de cours de récré. Je baisse mon regard de criminel de guerre repenti. Quelle exaction aurais-je commises envers lui et oubliées ? "Aucune." Il s’interrompt. Hésite. "Mais tu n’étais pas… facile." Je déglutis. Déjà à cet âge-là ? Je reste parfois effaré devant la simplicité d’un livre de jeunesse, j’observe les enfants comme des membres d’une espèce cousine mais distincte, sans pouvoir recoller dans mon propre présent les vestiges de ma propre enfance. Quand donc ont lieu les ruptures qui façonnent aujourd’hui notre personnalité si différente de celle qu’elle fut ? Au fur et à mesure de la soirée, l’alcool imprime à la lèvre de Bastien un pli amer et l’acrimonie altère sa voix de plus en plus sourde. "Tu n’étais pas facile", marmonne-t-il à plusieurs reprises, ruminant à présent plus pour lui-même. Qu’ai-je donc été ? Que suis-je aujourd’hui ? Il m’est malgré tout très sympathique. Je veux être son ami aujourd’hui. Nous échangeons la sincère intention de renouer contact. Il m’invite à sa pendaison de crémaillère qu’il fera à la rentrée et j’accepte avec un réel plaisir. Il me fera passer ses coordonnées. Nous ne nous reverrons jamais.
Le lendemain, j’inspecte une à une mes photos de classe. J’observe ma mine insouciante puis bovine, boursouflée par la cortisone que j’ingurgite afin de pouvoir bouger. J’énumère à voix haute les noms qui s’estompent à mesure que les années défilent, de la primaire à la prépa. Je ne reconnais plus aucun camarade de Math Sup. Je regarde avec une compassion si douloureuse que mes yeux piquent, les visages de tous ces insouciants. Que sont-ils devenus ? Cette question, je la pose non pas avec une curiosité guillerette, mais avec la gravité de celui qui sait : tout finit mal pour tous. Les sourires sont fêlés, ou le seront. Ce n’est pas la lune, répondit l’enfant agacé, ce n’est pas la lune, c’est l’avenir que je regarde. – J’en viens, moi, lui dis-je doucement, et il n’y a que des champs morts et boueux. Mon portrait, jeune et innocent et turbulent gît sous mes yeux tandis que je recompose la succession de souffrances endurées depuis lors. Je me souviens des jours anciens et je pleure. Qu’en est-il des autres ? Sur sa photo de 6ème, le mendiant emmitouflé sous des cartons sales était-il aussi radieux ? A quel moment sa famille et ses camarades l’ont-ils abandonné ? A quelle date précise a-t-il dormi pour la première fois, lové sur le pavé ? Si ces enfants avaient pu en un éclair saisir dans sa globalité leur avenir, la somme de toutes les peurs, douleurs et joies, combien eussent encore souri sur la photo ? Sans les connaître, sans qu’ils le sachent, je suis secoué d’un désespoir rugissant qui ne trouve pas le chemin des mots, ici et maintenant, pour eux. Pour nous. Un livre, si triste soit-il, ne peut-être aussi triste qu’une vie.
Dans la grande bibliothèque du salon, mon père et moi énumérons les livres jaunies et poussiéreux, en grande majorité d’auteurs oubliés. Ecrire n’immortalise pas. Je récupère de vieilles éditions aux pages décachetées de Giono, Sartre, Camus, que je ne lirai pas car j’aime les livres neufs. Je les accepte comme objets statiques, des reliques antiques qu’accepteront peut-être mes enfants non conçus ou traumatisés : je serai, je le sais, probablement à mon tour mû par le désir si pathétiquement humain et vain de transmettre. Ces livres ne quittent pas dans mon salon le sac qui les transporte, posé à même le sol contre ma large bibliothèque remplie. Je n’ai de place que pour l'utile, je n'en ai plus pour les souvenirs. La tête basse et lasse de componction, nous sortons comme nous sommes entrés, sentencieux, de cette longue après-midi. Le soir, je vois des amis, je ris et j’oublie. Je vis, comme mon père vit, comme son frère et sa soeur vivent, comme nous continuons tous car l'illusion de vie s'impose avec la même ardeur qu'une flamme consume, et car le temps cicatrise toute blessure. Dieu merci, les pécheurs vivants deviennent bien vite des morts offensés.